La gomme arabique, solution miracle aux problèmes du Soudan?
La gomme arabique, cette résine d’acacia récoltée principalement au Soudan, dans des zones en plein conflit, est une composante essentielle du Coca-Cola – et ses producteurs espèrent en faire une manne qui sauverait la région de la pauvreté et de la guerre.
Depuis qu’il a 14 ans, Al-Amin récolte la gomme dans le Nord-Kordofan, mais ce paysan quadragénaire en tire si peu de revenus qu’il envisage pour nourrir sa femme et leurs sept enfants de couper ses arbres et de les vendre pour en faire du charbon, contribuant ainsi à la désertification du centre du Soudan.
Il dit n’avoir « pas d’autre choix que de regarder cette exploitation et penser à combien on pourrait tirer des arbres un fois débités ».
La gomme arabique est produite en faisant une incision sur l’écorce de deux types d’acacias, nommés Talha et Hashab, qui poussent dans la savane soudanaise, notamment dans les états du Nil Bleu, du Kordofan Sud et du Darfour Sud, tous trois secoués par des conflits armés.
La gomme transformée est utilisée comme émulsifiant, sous le nom d’E414, et entre notamment dans la composition de très nombreux sodas, bonbons et pilules, dont il empêche le sucre de cristalliser.
Les Etats-Unis en importent environ 7. 000 tonnes par an, selon des sources industrielles soudanaises, malgré un embargo total sur les importations soudanaises.
Les autorités américaines ont en effet autorisé une exception pour ce produit en 2000. Un rapport du Congrès souligne que l’interdiction d’importer de la gomme arabique en provenance du Soudan, qui en est de très loin le premier producteur mondial, aurait un effet « dévastateur » sur l’industrie agroalimentaire américaine.
« Nous pensons que la gomme arabique est la manne envoyée par Dieu, le pain du ciel », lance Abdelmagid Ghadir, secrétaire général de l’Interprofession soudanaise de la gomme arabique, regrettant que « les paysans la considèrent comme une culture très marginale ».
Issam Siddig, l’un des premiers à avoir transformé la gomme soudanaise afin de l’exporter, estime que cette culture pourrait transformer la vie des agriculteurs, freiner la désertification, et même mettre fin au conflit au Darfour, en incitant des Soudanais à abandonner les armes pour les outils de gemmage.
Environ 13 millions de personnes vivent dans les zones de culture de la gomme, dont cinq millions sont impliqués dans la sylviculture, qu’il s’agisse de la récolte de la résine ou l’abattage d’arbres.
Vertus médicinales
Mais pour que le miracle de la gomme se produise, il faut qu’elle soit mieux valorisée et notamment que soient reconnues les vertus médicinales que ses producteurs lui prêtent.
La gomme est un prébiotique naturel, c’est-à-dire qu’elle favorise le développement de bactéries bénéfiques dans l’intestin, affirme M. Siddig, déplorant qu’elle ne soient pas reconnue internationalement.
« Ce super-aliment, vital pour la santé et pour la médecine, est classifié (. . . ) comme un produit sans importance », déplore-t-il.
Il accuse les acheteurs occidentaux d’avoir crée un « monopole des consommateurs » et d’entraver le développement de la gomme, qui, vendue comme émulsifiant, ne dépasse pas 2 dollars le kilo, contre « plus de 100 dollars si elle était reconnue comme un prébiotique naturel ».
Philippe Vialatte, le vice-directeur de l’entreprise française Nexira, qui achète et transforme près de 50% de la gomme soudanaise exportée, dément l’existence d’un tel monopole, soulignant que la libéralisation du marché en 2009 a permis aux paysans d’obtenir un meilleur prix.
Ce cadre, souligne par ailleurs que son entreprise a tenté de développer la gomme comme complément alimentaire, il y a trois ans, sans avancée marquante néanmoins en raison de la « forte compétitivité » des autres prébiotiques.
Un espoir subsiste: les propriétés médicinales de la gomme viennent d’être reconnues par l’Autorité soudanaise de contrôle -une avancée qui devrait obliger la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à se pencher sur le sujet « car le Soudan fournit 80% de la production mondiale » souligne M. Siddig.
En attendant que les 55. 000 tonnes annuelles de gomme produites par le pays soient reconnues à leur juste valeur, Al-Amin continue d’inciser l’écorce de ses arbres, pour faire couler cette substance collante et sans odeur, qu’il récoltera plus tard.
En travaillant, il récite un poème sur sa « passion » pour l’arbre: « Loin de mes enfants, je passe des mois à tes côtés, car ton écorce est généreuse et ta gomme d’une grande beauté ».
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